S’il est une chose que bien des administrateurs de syndicat de copropriété conviennent irrémédiablement après avoir quitté leurs fonctions, c’est combien le rôle est ingrat. À tel point que certains administrateurs en fonction ne rêvent que du jour de la prochaine assemblée générale annuelle où enfin viendra-t-on les relever de ces tâches lourdes n’offrant que peu ou pas de reconnaissance, et des prises de décisions qui ne sont souvent que gratifiées de la hargne de copropriétaires mécontents.
Les conseils d’administration de syndicats de copropriété devraient pourtant s’inspirer de certaines bonnes pratiques bien établies en gouvernance. La possibilité est d’autant plus manifeste si la copropriété est gérée par une firme externe, laissant ainsi l’occasion aux administrateurs de mieux planifier comment assumer les responsabilités qui leur sont dévolues. Une des grandes qualités d’un bon conseil est sa capacité à se renouveler, avec les bonnes personnes, au bon moment.
La gouvernance a évolué
La gouvernance des grandes organisations publiques et privées est assujettie à un cadre réglementaire et légal imposant. Cette gouvernance est également bonifiée par un ensemble de bonnes pratiques, connues et reconnues, qui sont naturellement divulguées pour que tout observateur externe puisse bien juger de la qualité de cette gouvernance – et de la transparence – dont font preuve les organisations d’aujourd’hui. Les scores annuels et autres bulletins de gouvernance sont d’ailleurs le corollaire évident de cette volonté de resserrer la gouverne d’entreprise à la suite de nombreux scandales ayant ébranlé des organisations issues tant du domaine public que du secteur privé.
Le rapport Cadbury (1992), le Comité mixte Saucier sur la gouvernance d’entreprise (2001) et la Loi Sarbanes-Oxley (2002) aux États-Unis ont, entre autres, complètement transformé la gouvernance d’entreprise, et plusieurs constats importants ont été intégrés dans le secteur public au Québec avec l’adoption de la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État en 2006, rappelant que les bonnes pratiques en matière de gouvernance ne se limitent pas aux sociétés inscrites en bourse, et excèdent largement les prescriptions du Code civil du Québec.
Planifier la relève des administrateurs en copropriété
Les bonnes pratiques sont nombreuses, mais la réalité des syndicats de copropriété est telle que les conseils font face à une rareté évidente de ressources. Dans ces circonstances, la gouvernance doit être concentrée sur les aspects fondamentaux de conformité et de contrôle, conférant au conseil un rôle essentiellement fiduciaire.
Néanmoins, il serait approprié pour les conseils qui ont atteint une certaine maturité de développer une grille des compétences requises au sein du conseil, et d’identifier parmi les copropriétaires les candidats qui assureraient le maintien des compétences nécessaires pour bien gouverner le syndicat, ou encore ceux qui disposent de compétences utiles pour les enjeux auxquels devra faire face le syndicat de copropriété dans un proche avenir.
En raison du bassin de candidatures limité (bien que la possibilité de recrutement à l’extérieur de la copropriété soit non seulement possible, mais souhaitable), les conseils d’administration de syndicats de copropriété doivent s’intéresser activement à l’identification des compétences requises et de la relève potentielle. Cette activité devrait être inscrite au cœur des préoccupations des administrateurs en place, même bien avant qu’ils ne songent à quitter. La recherche de candidatures par les compétences contribue en soi à revaloriser le rôle des administrateurs de copropriétés, facilitant même souvent le recrutement si les candidats administrateurs sentent qu’une structure établie et sérieuse est en place.
Comme le rappelle l’IGOPP (Allaire, 2008), « [l]a crédibilité d’un conseil repose sur l’expérience combinée et l’expertise collective de ses membres, pertinentes aux enjeux et aux défis avec lesquels l’organisation doit composer », et « [s]eul un conseil crédible pourra contribuer de façon significative au succès de l’organisation.»
Il est donc hasardeux de s’en remettre aux candidatures circonstancielles du soir de l’assemblée générale annuelle pour assurer la continuité de la gouvernance du syndicat, ce qui reviendrait, en quelque sorte, à souscrire à la proverbiale expression « après moi le déluge ».
Publié le 21 avril 2018 par l’Ordre des administrateurs agrées du Québec.