La plupart des gens conviendront que la prise de décision en couple n’est pas toujours facile. Imaginez si les opinions d’autres personnes s’ajoutent à l’équation, que la décision repose sur le consensus, et que les conséquences de chacune des décisions ont une incidence directe sur le portefeuille de personnes qui ne sont pas partie prenante à ces décisions. C’est pourtant ce que doivent faire les conseils d’administration des syndicats de copropriété sur une base régulière, autant durant les rencontres formelles que lors de décisions qui doivent être prises ponctuellement, parfois en urgence.
Les opinions des administrateurs diffèrent car les compétences et les expériences individuelles des différents membres du conseil sont très variées, bien sûr, et que les critères d’évaluation pour déterminer si une décision est bonne ou mauvaise reposent sur des valeurs bien personnelles. Ainsi, l’importance accordée à un petit trou dans un mur, par exemple, peut être considérable pour un membre qui valorise grandement l’esthétique, alors qu’un autre y verra bien peu d’intérêt, préférant gérer de façon très stricte les liquidités du syndicat. Si, dans l’ensemble, les décisions seront prises de façon relativement aisée et sous le signe de la collégialité, il arrivera toujours des situations où il sera difficile, voire impossible, de gagner l’unanimité. L’arbitrage nécessaire pour une allocation « optimale » des ressources générera inévitablement des conflits, surtout si les critères de valeur diffèrent grandement entre les membres du conseil.
Règle générale, le conseil doit cependant parler d’une seule et même voix. Les administrateurs ne sont pas soumis à la solidarité ministérielle, bien sûr! Cependant, la cohérence dans le message est importante pour les copropriétaires, au risque de voir naître des factions qui viendront nuire à la qualité de vie de la communauté. En effet, bien triste est le spectacle d’administrateurs se querellant à l’avant-scène d’une assemblée générale, devant un groupe de copropriétaires médusés et sidérés. La solidarité des membres du conseil doit être tangible pour les copropriétaires; il en va de la crédibilité de l’ensemble des décisions qui seront prises et exécutées. « Un pour tous, tous pour un », écrivait Dumas, une devise qui ne saurait s’appliquer mieux qu’en situation de prise de parole publique par un conseil d’administration de syndicat de copropriété.
Limiter les conflits potentiels – quelques pistes
Un plan d’accueil
Il peut être utile de rappeler annuellement l’importance de la solidarité dont doivent faire preuve les administrateurs, surtout lorsque de nouveaux administrateurs se joignent au groupe. Attention! La solidarité ne signifie pas le musellement de toute opinion discordante. L’expression des opinions et les débats d’idées doivent être encouragés, mais les décisions prises à la majorité sont celles du Conseil en tant qu’entité unique, et il est de bon aloi de soutenir les décisions du groupe.
Dépersonnalisation des débats
Tous les administrateurs en poste souhaitent prendre les meilleures décisions possible pour l’immeuble. À moins d’être en présence d’individus qui souhaitent militer en faveur d’objectifs ou intérêts personnels (ce qui est bien sûr contraire à la loi), tous les membres du conseil ont donc une mission commune. Le président du Conseil peut rappeler cette prérogative lorsque certains administrateurs deviennent trop attachés à des projets ou des enjeux précis. Il est nécessaire de prendre un certain recul, de dépersonnaliser les débats, et de recentrer ceux-ci sur la conservation de l’immeuble.
La création de comités
Si des membres ont des opinions très divergentes sur certains sujets, la création de comités du conseil peut favoriser la libre expression des membres qui souhaitent véritablement porter une attention particulière pour ces mêmes sujets. L’exemple précédent, traitant de l’esthétique, permettrait de préparer des suivis formels de dossiers sur ces aspects, et de surveiller les éléments de conciergerie avec attention. Les membres moins intéressés par cette question s’en remettront au comité, sachant qu’une enveloppe budgétaire a été établie avec laquelle le comité peut travailler. Les règles de gouvernance internes permettent habituellement de bien encadrer ces comités. Sinon, le conseil peut simplement se doter de telles règles.
Et la dissidence?
Faire inscrire sa dissidence au procès-verbal d’une réunion devrait être limitée aux cas où un désaccord profond et marqué semble irrémédiable, notamment lors de décisions où la responsabilité du Conseil et de ses administrateurs est engagée. Les dissidences répétées montrent une dynamique de conseil dysfonctionnelle, et l’incapacité de trouver un terrain d’entente. Cela dit, la prise de décisions véritablement controversées peut justifier que des administrateurs fassent inscrire leur désaccord.
Les rôles des administrateurs dans les syndicats de copropriété sont souvent ignorés, quand on se donne même la peine de les déterminer et de les attribuer. Cependant, au-delà des aspects juridiques, ces rôles peuvent favoriser la délimitation de certaines responsabilités parmi les administrateurs. Dans tous les cas, le président du Conseil joue un rôle prépondérant dans le maintien d’une dynamique de conseil efficace : il doit, en quelque sorte, jouer ce rôle de médiateur!
Si vos réunions du Conseil se déroulent toujours sans anicroche, ne sous-estimez pas le besoin de vous doter de bornes de sauvegarde pour le futur. Après tout, les administrateurs sont soumis à une élection chaque année, et une seule nouvelle personne peut transformer radicalement une dynamique pourtant bien établie.
Publié le 5 mars 2019 par l’Ordre des administrateurs agrées du Québec.